Les coulisses du club, l’évolution du projet, sa manière de faire face à la pression ou encore sa relation avec son père : Victor Granturco, Secrétaire Général de l’ASVH, se livre à cœur ouvert.
Il va droit au but avec une humilité désarmante et un franc parler qui pourrait faire penser à son père, Thierry Granturco, qui a quitté la Présidence du club cet été.
Victor, peux-tu te présenter brièvement ainsi que nous expliquer ton rôle au club ?
Oui bien sûr, j’ai 21 ans et je suis étudiant en école de commerce.
Je suis arrivé au club à l’âge de 17 ans en tant que membre du Conseil d’Administration et j’ai par la suite rapidement été nommé Secrétaire Général et Responsable de tout le volet financier.
Concrètement, je veille à la bonne gestion administrative du club, je gère les finances, les dossiers concernant les actions sociétales, je pilote la stratégie de communication…
Le tout en étant en interaction avec les salariés du club, les dirigeants, les joueurs et le staff.
C’est intéressant de gérer des hommes, même s’il n’est pas toujours évident de dire des choses à une personne de 40 ou 50 ans quand tu en as 20 ou 30 de moins. J’essaie d’être le plus droit et le plus juste possible. Cela fait partie de l’apprentissage.
Quel est pour toi l’aspect le plus plaisant dans la gestion du club ?
Gagner le match du week-end tout simplement. On a beau faire une excellente semaine d’un point de vue administratif, au sein de l’école de foot ou encore du point de vue du sponsoring, si on perd le week-end, cela devient une « semaine de merde ». C’est ça aussi le foot.
Je vis les choses. Je suis un passionné, j’aime le club. Le football, c’est avant tout un cocktail d’émotions. On a envie de les partager. Donc quand je vais dans la ville (ndlr Villers-sur-Mer) et que quelqu’un que je ne connais pas me dit : « Bravo, félicitations, c’est génial ce que vous faites ! », cela fait chaud au cœur.
La passion est clairement le moteur. Le jour où je n’aurais plus envie de faire des kilomètres le week-end pour aller voir jouer l’équipe et boire un coup avec les joueurs, je ferais autre chose.
« Dans le football, il faut s’attendre à tout car les choses peuvent vite tourner. »
Il doit aussi y avoir des moments plus difficiles ?
Des moments difficiles … non pas vraiment. Ou en tout cas pas pour le moment. Après, dans le football, il faut s’attendre à tout car les choses peuvent vite tourner. Ne soyons pas dupes, il y aura des saisons compliquées à vivre. Elles sont devant nous.
Mais plus le temps passe, plus je développe une sorte de « carapace ». C’est peut-être un défaut. Des fois, je discute avec certaines personnes et elles me disent : « Mais en fait … tu t’en fous de tout », mais ce n’est pas ça. Ça peut étonner certaines personnes, en énerver d’autres. Quand on perd un match de foot, on ne perd qu’un match de foot !
Pourquoi avoir construit cette carapace ?
En ayant un père avec une certaine « personnalité » et des activités multiples, j’ai depuis très jeune assisté à des réunions de haut niveau, entendu des coups de téléphone importants, été à des matchs à gros enjeux. Il faut avoir un minimum de recul dans le foot. J’essaie d’en avoir et de prendre modèle sur mon père.
Donc depuis très jeune, j’ai pris l’habitude de mettre des barrières autour de moi. Je suis quelqu’un de vrai. Il faut du temps pour gagner ma confiance. Je ne m’entoure que de gens avec qui je me sens bien. Et c’est ce que j’essaie de faire au club.
Comment cela se passait quand ton père (Thierry Granturco) était aux commandes du club ?
Cela me fait bizarre de parler de mon père au passé, mais je vais essayer (rires).
Il faut savoir que c’est quelqu’un de relativement exceptionnel dans le sens où c’est un meneur d’hommes, un avocat international et un chef d’entreprise. Il est capable de commencer ses journées à 5-6h du matin et de les terminer à plus de minuit. Tous les jours. Il analyse tout, tout le temps et sait prendre des décisions, quelles que soient les circonstances. On a toujours l’impression qu’il voit tout avant tout le monde. Et surtout, il connaît très-très bien le football.
En étant avec quelqu’un de compétent qui planifie, décide, tranche, j’apprends tous les jours. Même si, parfois, certaines choses ne me plaisent pas. Il a son petit caractère quand même. Il peut lui arriver d’être dur. C’est parfois usant, mais je me dis qu’il faut de temps en temps savoir taper du poing sur la table pour que les gens comprennent et avancent. Il le fait quand il le faut. Et il ne vaut mieux ne pas être autour de la table quand ça arrive (rires).
Il a une exigence de tous les instants. J’avais beau avoir réglé tel ou tel problème, avancer sur des dossiers, il n’était jamais satisfait. Il fallait toujours plus. Et si par malheur, il s’apercevait que je ne visais pas le meilleur, alors là (rires)…
« A moi d’imposer mon propre style pour me faire un prénom. »
Souffres-tu d’être le « fils du patron » ?
J’ai plus de responsabilités. Je dois être irréprochable, en faire plus que les autres. Il faut effacer l’idée que je suis là parce que je m’appelle Victor Granturco et que je suis le fils du patron.
Avec le temps, je pense que ce genre de considérations s’estompent. Les gens qui sont au club au jour le jour savent très bien ce que je fais. Tant pis pour les autres.
L’erreur à ne surtout pas faire serait de vouloir ressembler à 100% à mon père. A moi d’imposer mon propre style pour me faire un prénom.
« C’était le big boss. Lui, et personne d’autre. »
Depuis son départ de la Présidence, tu formes un trio avec Jérôme Tregoat et Laurent Patrelle, comment cela se passe-t-il ?
Les premières semaines ont été particulières car mon père faisait vraiment paravent, c’était le big boss. Lui, et personne d’autre.
Mais tout se passe très bien ! Je ne connais Laurent (Patrelle) que depuis 1 an et demi mais je peux voir que c’est quelqu’un qui sait rester lucide et clairvoyant malgré toutes les inepties qui peuvent être dites autour d’un terrain de foot.
Pour ce qui est de Jérôme (Tregoat), je ne sais pas par où commencer (rires). Ce que je peux vous dire c’est que j’ai une totale confiance en lui et que j’ai rarement rencontré quelqu’un d’aussi « authentique » et bienveillant.
J’estime avoir de la chance d’être entouré de Laurent et Jérôme, parce que tout seul, c’est tout simplement impossible. Les gens qui vous parlent d’un projet en vous disant : « moi ci, moi ça », ce sont des personnes qui n’ont rien compris. On réussit grâce aux gens qui sont autour de soi.
Donc on peut dire que nous formons un bon trio. Certes un peu improbable à première vue, mais finalement efficace.
« Nous prenons le risque d’énoncer clairement nos objectifs. »
Nous avons souvent posé la question aux joueurs ou aux éducateurs mais jamais à un membre de la Direction : comment vis-tu le projet du club ?
Relativement bien. Il faut aussi savoir garder les pieds sur terre: on parle de football amateur. Quand on réunit autour de la table des dirigeants d’entreprises à succès ou des personnalités issues du football professionnel, on a l’assurance d’avoir les compétences et l’expérience nécessaires pour mener à bien le projet du club. Car dans la Région, beaucoup de clubs « veulent » mais peu « peuvent » définir un projet et le développer. J’estime donc avoir beaucoup de chance d’être à l’ASVH.
Maintenant, il y a quand même de la pression car nous avons des objectifs à atteindre. Sur et en dehors du terrain. Et ce n’est pas du « bla-bla ». Il y a un vrai suivi rigoureux qui est fait régulièrement pour savoir si nous sommes dans les clous. Et ces objectifs, nous prenons le risque de les énoncer clairement.
Car nous avons développé une vision du foot local et régional. Nous savons où nous allons. Et nous avons clairement annoncé les effets collatéraux de notre développement sur le territoire. Personne n’a été pris en traitre.
Tu étais présent lors du lancement du projet, comment vois-tu son évolution 3 ans après ?
Oui, je pense que l’on peut parler d’évolution fulgurante. A partir du moment où la fusion entre l’AS Villers-Blonville-Bénerville (ASVBB) et l’US Houlgate (USH) a été entérinée, tout est allé assez vite.
Je me souviens du premier rendez-vous avec Erick Ledeux lors duquel nous lui avions présenté le projet du club. Je me souviens aussi de son regard quand il a compris que nous parlions d’un départ en Départemental 1. Il était persuadé que nous allions partir en Régional 3 (rires). Symboliquement cela faisait une grande différence pour lui.
Mais c’est ce qui fait tout le charme de ce projet. Il y a tout à faire. Au bout de 3 saisons, je pense que nous sommes en avance sur la majorité de nos objectifs. Mais attention, hors de question de relâcher les efforts ! Il y a encore tant à faire. Vous voyez, j’ai été à bonne école non ?